Il y a 3 points qui m’intéressent aujourd’hui

  1. Qu’est-ce que la gouvernance ?
  2. Une évaluation du projet du gouvernement en ligne du gouvernement québécois
  3. Qu’est-ce qui devrait être fait par rapport à la situation ?

Ce matin j’ai eu un petit choc émotif, je me suis retrouvé dans un quartier qui, pour moi, a été très intéressant. J’ai fait partie du FRAP dans les années 70 qui faisait alors la lutte au Maire Drapeau. En 1970, nous avons été très actifs. Pourquoi en 70 ? Parce que nous avons commencé à nous intéresser à la gouvernance en pensant qu’il y avait des gouvernants et des gouvernés et qu’il y avait donc un État, des citoyens, et une dynamique entre les deux. À l’université, on appelait cela la théorie des communications. Cela a été très important pour nous. Après une dizaine d’années d’activité sur le terrain, les choses ne fonctionnaient pas. On se demandait pourquoi. En fait, nous sommes arrivés à une deuxième vision de la situation où il y a une société, un citoyen mais entre les deux, il y a comme un ciment qui est le tissu social, que sont les groupes informels et les groupes formels. Ça c’est majeur. Si ces groupes sont absents, il n’y a pas de société. Il y a seulement des nations. On a appelé ce processus la communication à différents paliers c’est-à-dire que de l’information va dans un sens et la participation revient dans l’autre sens. Les Américains ont appelé cela « multi-step flow ». Nous avons appelé cela « communication multi-paliers ». Depuis ce temps là, beaucoup de groupes de recherche un peu partout dans le monde en sont arrivé à cette espèce de concept où la partie qui s’en vient, la partie active de la participation, se trouve ici [inaudible]. Je vous signale que toutes ces analyses là, qu’est-ce que la rupture, qu’est-ce que la nouvelle société, les groupes d’intérêt sont sur mon site www.michelcartier.com .

À partir de cela, il y a eu une modification. C’est toujours le même schéma mais il y a quelque chose qu’il faut comprendre si je veux faire l’analyse du projet de gouvernement en ligne. En partant de la société, vous avez l’information qui est diffusée ici vers le citoyen et vous avez ensuite le retour. Partout à l’heure actuelle, au point de vue théorique et pratique, on parle d’activités « Top Down » et « Bottom Up » ou d’activités « Descendantes » et « Montantes ». Ce qu’il y a d’intéressant dans ce schéma c’est que l’Internet, c’est surtout ici qu’il a commencé à jouer. Vous avez environ 75 000 groupes de toutes sortes qui existent sur Internet et qui utilisent cette technologie pour travailler d’un groupe à l’autre ou entre les groupes ou entre citoyens. Vous avez ce qu’on appelle les « trust network », les « smart mobs ». En Europe vous avez les collectivités locales, vous avez les villes complètement organisées, je pense à Beaumont. Vous avez une multiplication des groupes d’intérêts depuis la percée du Web en 1995. Il y a donc un très grand changement. Du point de vue politique, je pense à Howard Dean. Il y a des choses qui se passent et qui sont multipliées par un deuxième facteur, c’est le fait qu’environ 80% jeunes aujourd’hui utilisent Internet. Donc le facteur de ce qui est en train de percer ici, plus le facteur des jeunes, plus le fait qu’environ 60 à 65% de la population ont accès à cette technologie là. Il y a donc une multiplication extrêmement importante.

Je reprends donc mon schéma. C’est dommage que Monsieur Gautrin ne soit pas là. Je sens que je ne serai pas politicaly correct. Le projet de gouvernement en ligne québécois est médiocre. Il est mal ficelé, mal organisé. J’ai été personnellement impliqué dans un projet qui s’appelait « Des ordinateurs à l’école ». On a mis 300 millions seulement dans les machines, rien pour les professeurs et rien pour le contenu. Aujourd’hui, je ne sais pas combien d’années après, les ordinateurs et les professeurs c’est toujours pas…[inaudible]. Il y a des rêves qui arrivent, comme ça. Je me souviens du temps du FRAP et de beaucoup d’autres campagnes pour lesquelles j’ai milité, il y a des mots valise que l’on utilise et auxquels il faut faire attention. Exemple, qu’est-ce que la e-administration, e-démocratie ou autre.

Pour moi, l’un des points importants c’est cet aspect de la dynamique ici. Je vais reprendre la logique administrative qui est le premier côté. Moi c’est la lecture que j’ai faite du rapport [du gouvernement en ligne] que vous avez sans doute déjà reçu. Au centre, accès convivial, démocratisation, sécurité et fonction publique, ce sont les quatre souhaits. Félicitation, c’est très bien, on s’entend là-dessus. Malheureusement, tout le système dont on parle s’adresse à des citoyens qui sont isolés. Ça ne s’adresse pas à des groupes, à des coopératives, à des associations. On est aussi isolé avec ce système là que face à la publicité. Ce qui est terrible avec la publicité c’est qu’elle nous rejoint, dans notre fauteuil, isolément et finalement, on en vient à penser que c’est ça qui est bon puisqu’on ne sait pas ce que les autres pensent. Si je regarde la structure ici, j’ai une direction, un conseil exécutif, conseil du Trésor, ministère, agence de services. C’est quoi tout ça ? C’est exactement la logique descendante administrative. Il n’y a rien de démocratique là dedans. Si on ne s’occupe pas de nos affaires, ce n’est que donner au gouvernement un autre outil pour nous envoyer encore plus d’informations.

Certains pays comme la France, l’Angleterre, les États-Unis et le Brésil ont lancé des projets similaires. Nous ne sommes pas les seuls. Les États-Unis ont commencé il y a 7 ou 9 ans, le Canada il y a à peu près 7 ans. Il y a des pays qui se sont engouffrés dans ces objectifs ou d’administration ou de gouvernement. Le Québec et la France sont parmi les derniers arrivés sur cette plateforme là. Donc je vous présente une analyse de ce que cela pourrait être parce que je ne veux pas simplement démolir quelque chose. Malgré la gentillesse, la bonne volonté et la bonne présentation du représentant du gouvernement aujourd’hui, il faut quand même remarquer que c’est juste une machine administrative qui a été mise sur place.

Face à cela, qu’est-ce qui devrait être fait ? Au départ, dans le descendant, c’est relié à la loi de l’offre tandis que le montant est relié à la loi de la demande, de la participation. J’aurais espéré que le gouvernement en place (comme l’autre d’ailleurs) profite des nouvelles technologies pour faire un re-engineering de sa machine administrative. Je suis toujours du côté descendant, c’est-à-dire faire un comité des priorités, un gouvernement en ligne et un comité de l’infrastructure où différents ministères auraient trouvé différentes plateformes où discuter au lieu d’avoir 26 îlots à Québec qui ne se parlent pas. Il y a là une réalité qui malgré toutes les gentillesses que nous avons entendues ce matin, fait que nous n’avons pas résolu le fait que les ministères ne travaillent pas ensemble, que le fédéral ne travaille pas avec le provincial ni avec le municipal. On se retrouve dans la même situation que dans le projet « Des ordinateurs à l’école », il y a 5 ou 6 ans.

Par rapport au descendant, il y a là une analyse très sévère du manque de re-engineering du gouvernement qui nous donne que [inaudible]. Si je reviens à ce côté là; le comité des priorités du gouvernement en ligne et des infrastructures. Ça c’est moins mon problème et moins mon intérêt quoique le document que vous avez entre les mains existe depuis 4 ans et personne à Québec ne s’y est jamais intéressé. Quand j’arrive en bas, j’arrive à des citoyens, des travailleurs, des électeurs, des consommateurs. J’arrive surtout à des collectivités, des associations, des groupes d’intérêts. Si je remonte vers le haut, je crois que ça prend un comité du contenu. Un comité du contenu ce sont des mécanismes de participation, les groupes, les collectivités, les associations. Là j’ai placé les villes, vous allez être surpris parce que je ne voulais pas mettre les pieds dans le comité d’affaires au comité de veille, la commission d’accès à l’information et toute la notion de page citoyenne. Ça on ne vous le donnera pas, on vous dira gentiment « vous devriez participer ». Ce sont les slogans du gouvernement venez participer, venez discuter avec nous ils ne disent pas, venez participer et prendre les décisions. Nous n’avons pas de décision à prendre parce que nous sommes seulement là pour discuter.

J’ai l’impression que ça prend un comité pour ce qui est des partenariats PPP [partenariats public-privé]. Là ce sont les associations patronales, les chambres de commerce, tout ce qui concerne le e-commerce et le e-business. Il y a tout un monde qui est en train de fleurir dans lequel le gouvernement a déjà commencé à faire des sites Web et j’ai l’impression que ces gens là devraient eux s’organiser pour savoir ce dont ils ont besoin et le dire directement au gouvernement mais de leur position à eux.

Troisièmement et ça, j’ai toujours eu de la difficulté avec les mêmes gouvernements qu’ils soient de la couleur qu’on veut et ce, depuis plus de 10 ans, un comité de veille, un comité sur la cyberdémocratie, sur les notions stratégiques, les aspects juridiques. Comment se fait-il qu’il y a une quinzaine de pays qui sont en train de faire ça et que nous sommes souvent à essayer de réinventer la roue ? Pourquoi ne demande t-on pas aux Brésiliens ou aux Anglais ou aux Français, qu’elle est votre opinion ? J’ai été très surpris par l’équipe de Blair, Cool Britannia ou l’autre équipe américaine. Elles sont arrivées récemment à certaines conclusions où Internet n’est pas le seul outil de la démocratie parce que plus du tiers de la population ne l’utilisent pas en Angleterre. Alors les gens sont arrivés à la conclusion qu’Internet, oui mais Internet avec un projet intégré comprenant aussi les autres médias pour une circulation intégrée de l’information.

Mon propos est relativement simple. Je pense que c’est à nous en tant que citoyens de s’organiser, de mettre nos comités sur pied, surtout celui sur le contenu et l’interactivité et en quelque sorte, nous imposer à Québec. Sinon, nous n’aurons toujours que des gens qui nous demandent notre avis mais il n’est pas sur qu’ils nous entendront, à l’hôtel de ville ou au parlement. Mon voeu le plus cher c’est que l’on s’organise et qu’on le prenne le pouvoir car on ne nous le donnera jamais. Merci beaucoup.