Verbatim, Conférence de Christian Giguère, Centre de développement pour l’exercice de la citoyenneté
Je suis ici pour vous parler des technologies de l’information versus l’implication citoyenne. Je pense que vous l’avez bien décrit, le centre pour lequel je travaille actuellement développe un certain nombre d’outils d’intervention notamment dans les écoles secondaires du Québec, ce qui nous permet d’accompagner les enseignants et les jeunes dans cette fameuse éducation à la citoyenneté que l’on est tranquillement en train de promouvoir et qui a connu son implantation au primaire il y a quelques années et qui devrait commencer à l’être au niveau secondaire en 2005. C’est un assez grand défi pour moi aujourd’hui de vous parler de TIC en lien avec la participation citoyenne. Je dois vous avouer bien candidement que je suis parfois nul avec ces technologies et c’est ce qui me permet de m’orienter davantage vers les notions de participation. L’autre chose que je dois vous avouer c’est que j’avais préparé une belle présentation qui assurait le lien entre les deux mais j’ai entendu la qualité de la réflexion ce matin et à vous entendre parler, notamment monsieur Guédon, j’ai décidé de réorienter ma présentation et de mettre l’accent sur cette idée de participation démocratique à l’aide d’un gouvernement en ligne. J’ai pris cette décision pour tenter de contribuer à la réflexion parce que j’ai compris que cet aspect du gouvernement en ligne était à l’heure actuelle en développement, comme l’ensemble du projet d’ailleurs. J’aimerais donc vous amener sur un aspect très particulier du gouvernement en ligne qui touche à la démocratie et que l’on a appelé forum de discussion, forum de participation.
Je pars de la conviction profonde que le gouvernement en ligne, les technologies de l’information et de la communication sont un outil qui peut être efficace pour favoriser la participation des citoyens et des citoyennes et notamment celle des jeunes. Je pars donc de cette conviction que les TIC peuvent favoriser la participation au niveau des affaires publiques, au niveau des débats publics et plus largement, au niveau de la délibération. Que signifient pour moi les TIC ? Avant toute chose, il s’agit d’un outil technique qui me permet de participer à la vie en société, de me mettre en réseau. C’est aussi un outil qui me procure un espace de discussion. Je suis membre d’un comité éditorial d’une revue. Je peux vous dire qu’avant la publication de textes, il y a un bon nombre de débats au sein du comité via Internet. Pour moi c’est donc un outil qui me permet non seulement de forger ma réflexion sur un certain nombre de débats, de questions et d’enjeux mais c’est également un outil pratique qui me permet, aussi candidement que cela puisse paraître, de préparer toutes les rencontres que l’on peut avoir au quotidien. C’est également un outil qui me permet de m’ouvrir sur le monde, bref c’est un outil qui me sert à prendre la parole. Et la prise de parole, je le dis souvent aux enseignants et aux jeunes que je rencontre, c’est à mon avis le premier outil dont on dispose en tant que citoyen, c’est la première forme d’engagement que l’on peut avoir dans la société.
C’est à partir de cette conviction que je me dis que les TIC peuvent nous aider dans le contexte moderne à améliorer notre participation démocratique. C’est donc une bonne chose. J’en fait un jugement moral et je vais tenter de m’expliquer. C’est une bonne chose pour la démocratie et aussi pour l’éducation à la citoyenneté démocratique. L’utilisation des nouvelles technologies permet cette mise en réseau et cette communication préalable à la rencontre d’individus lorsque l’on veut débattre de différentes questions et surtout, arriver à des compromis et à des consensus. Si on parle de la réforme scolaire, l’une des compétences transversales est appelée le travail de coopération où on essaie de montrer aux jeunes différents aspects de la vie démocratique où la recherche de consensus et de solutions communes est un enjeu important. Mais la délibération sur le Web comporte un certain nombre de limites qui doivent être comblées par la rencontre physique des individus.
Comme le disait Monsieur Guédon, nous devons faire attention à la question du sondage d’opinion. Quand on veut mettre les citoyens en réseau, quand on veut améliorer les relations entre l’État et les citoyens ou même les citoyens entre eux, on doit tenter d’éviter la tentation d’aller sonder l’opinion strictement pour essayer de gouverner en fonction de l’opinion. Il faut faire attention à l’enjeu qui consiste à lutter contre toute forme d’exclusion. Il faut effectivement s’assurer comme société de réduire le plus possible la fracture numérique. Mais pour moi, il s’agit d’un outil qui permet de réduire le déficit démocratique qui nous guette. Ce qui m’amène à considérer un certain nombre de choses que vous avez peut-être vues dernièrement dans l’actualité en ce qui concerne la participation et l’engagement des citoyens, notamment des jeunes. Lors des dernières élections fédérales, on a beaucoup parlé du taux de participation des jeunes qui est à la baisse. Une première chose qu’il faut préciser c’est que ce n’est pas symptomatique de la société québécoise ni de la société canadienne. Il me semble que c’est un phénomène que l’on observe dans l’ensemble des sociétés démocratiques modernes. Les TIC peuvent, à mon sens, aider les gouvernements et les partis politiques à établir un pont plus direct, plus intuitif avec les gens qui s’engagent. On dit souvent que les jeunes ne s’engagent pas mais c’est faux. Ils s’engagent mais de manière différente, sous des formes diverses et les TIC font partie des nouvelles formes d’engagement des jeunes. Il s’agit d’un filon intéressant qu’il faut considérer pour aller rejoindre cette jeune population qui a envie d’émettre son opinion en fonction de ses valeurs. La jeune génération actuelle n’est pas intéressée à se faire dire quoi faire ni quoi dire. Encore une fois faisons attention aux sondages d’opinion et allons plutôt chercher les opinions et favorisons le débat avec l’aide des nouvelles technologies.
Une autre chose qui est observée est que les jeunes pensent globalement et agissent localement. Plusieurs études le démontrent; les jeunes s’impliquent abondamment au niveau local et régional et ce, pour toute sorte de causes: l’exode des jeunes, l’intégration socio-économique des jeunes etc. Nous avons répertorié 1500 organismes jeunesse fondés par et pour les jeunes qui s’occupent de questions diverses. On retrouve aussi beaucoup de jeunes au niveau des instances internationales pour des causes comme l’environnement, la paix, la justice. Ce qui m’amène à considérer qu’il y a actuellement tout un pan de l’espace civique qui est mal représenté par les jeunes, il s’agit de l’espace civique national. L’instauration d’un gouvernement en ligne permettrait, à mon avis, l’implication des jeunes dans cette sphère civique. Il est aussi important de considérer un projet de gouvernement en ligne en prenant en compte des repères citoyens que l’on désire voir débattus dans cet espace et cela devra prendre des modalités très spécifiques.
Au niveau de l’éducation à la citoyenneté, il me semble qu’il y a là un enjeu considérable. Si nous voulons que les citoyens et les citoyennes s’impliquent davantage dans le cyberespace, nonobstant la question de l’accès, nous avons intérêt à mettre de l’avant le développement d’un certain nombre de compétences, notamment le développement du sens critique. Il y a une autre compétence très particulière que nous tentons de développer actuellement dans le curriculum, c’est l’exploitation des TIC. Les intentions éducatives derrière sont: utiliser les TIC à diverses fins, évaluer l’efficacité de l’utilisation des TIC et tirer profit des TIC. Il me semble que cette compétence est centrale dans l’instauration d’un gouvernement en ligne. Le travail de coopération, le développement des solidarités peut s’effectuer à l’intérieur d’un cyberespace. Exercer son jugement critique, une autre compétence, m’apparaît en lien avec la première, c’est-à-dire que toute cette recherche d’information lorsque l’on veut faire des débats ou lorsque l’on veut s’impliquer sur une question particulière, m’apparaît une compétence fondamentale pour favoriser une participation citoyenne.
Développement de compétences, développement de connaissances et le transfert de compétences, je m’en voudrais de passer sous silence cet aspect car on parle depuis tout à l’heure de partenariat publi-privé, on a également parlé de partenariat privé-communautaire. Moi je parle d’un type de partenariat qui m’apparaît fondamental dans cette entreprise, c’est le principe d’une école ouverte sur son milieu. Comment créer un arrimage entre l’école, la communauté d’apprentissage du jeune et les groupes environnant cette école, les groupes communautaires, les groupes de la société civile qui peuvent accompagner, supporter les enseignants et les jeunes dans le développement de ces compétences. Ce qui est important ici c’est que non seulement l’école québécoise favorise le développement de connaissances et de compétences chez le jeune mais surtout que celui-ci puisse les transférer dans sa famille, dans sa communauté. Si des groupes dans la société peuvent accueillir ces jeunes au plan de la cyberparticipation, cela m’apparaît très important.