Fabian Rodriguez : En Suisse, le gouvernement a distribué aux citoyens au moment des impôts, un CD-ROM, un logiciel libre, pour leur permettre de faire leurs impôts. Quel est votre avis sur la création d’un logiciel libre de création d’impôts au Québec ?
Michel Cartier : Même chose pour le logiciel libre. Moi je suis pour mais le problème, vous l’avez souligné, réside dans la façon dont on doit communiquer, qu’on doit parler avec le monde. J’ai déjà vécu un problème relativement ardu concernant de la pollution sur la Côte-Nord. J’avais trois clientèles : les Amérindiens, les gens de l’UPA et les gens du syndicat des métallos. Certains parlaient orange, d’autres noirs mais personne ne parlait la même langue. Donc le diaporama, le même message devait s’appliquer à diverses couches de la population, la même affaire ne peut pas aller partout. Je suis bien d’accord avec tout ce que le gouvernement essaie de faire mais je ne suis pas d’accord par rapport à ceux qui parlent anglais, par rapport à ceux qui parlent français, par rapport à ceux qui parlent amérindiens, qui sont nos propres langues. On a souligné ceux qui lisaient moins bien etc. Je pense qu’on devrait être beaucoup plus sensibles sur la façon dont un tel logiciel devrait être fait car ce n’est pas tout le monde qui va comprendre.
Fabian Rodriguez : Peut-être que Monsieur Gautrin ou Madame Chartrand pourront me répondre. Il y a déjà des milliers de logiciels de création d’impôts commerciaux qui existent et qui se vendent très bien
Michel Cartier : Parce qu’il y a une loi…
Henri-François Gautrin : c’est une bonne question, est-ce qu’il faut refaire au niveau étatique ce qui se fait déjà dans le secteur privé si vous pouviez me donner un micro vous seriez gentil. Il y a eu une tendance dans le ministère du Revenu de faire ce que vous suggérez, en compétition avec les logiciels qui se vendent déjà. Est-ce qu’il faut investir dans cette voie là ou est-ce qu’il faut investir dans d’autres secteurs ? Je crois qu’il ne faut pas faire une duplication de ce qui existe déjà.
Jean-Claude Guédon : Est- ce que je peux répondre ?
Animatrice : Oh oui !
Jean-Claude Guédon : Tout cela est amusant parce qu’on parle d’impôts. On ne parle pas de création de parfums ou de choses comme ça. Je ne pense pas que le gouvernement ait grand chose à voir avec la production de parfums ou de chemises. Mais on parle d’impôts. Et quand le gouvernement nous demande de l’argent, il faut en plus qu’on en dépense pour savoir combien on lui en doit. Ça semble quand même curieux…je trouve cela complètement absurde.
Henri-François Gautrin : c’est complètement faux ce que tu dis…
Jean-Claude Guédon : Mais ce n’est pas complètement faux…il faut que je paie…est-ce que je peux terminer Monsieur Gautrin ? Franchement
Henri-François Gautrin : Franchement…
Jean-Claude Guédon : Quand je fais mes impôts, je vais voir un comptable ou j’achète un logiciel. Dans les deux cas je paie de l’argent. Pourquoi le système d’impôt est si compliqué, si difficile que je sois obligé de passer par des services secondaires et ensuite quand on propose, comme monsieur l’a fait, que le gouvernement enfin donne un coup de main à ses citoyens pour qu’ils puissent remplir leurs impôts sans avoir à acheter un logiciel ou voir un comptable on réponde qu’il ne faut pas faire de la duplication avec le secteur privé…moi je veux bien mais c’est un peu « tataouiner » ou alors encore pédaler dans la moutarde.
Henri-François Gautrin : Je vais vous répondre
Animatrice : Ça ressemble un peu à un match mais je crois que c’est important
Henri-François Gautrin : Premièrement, c’est vrai que la Loi de l’impôt est une suite de choses totalement incompréhensibles. Faut-il revoir la Loi ? Tous les ministres du Revenu ont essayé de simplifier au maximum les déclarations d’impôts
Animatrice : et ça ne marche pas…
Henri-François Gautrin : Deuxièmement, je pense que vous ne faites pas de distinction entre ce qui est le logiciel et ce que le gouvernement décide en ce qui est la manière de décider comment on doit payer l’impôt. Est-ce que l’État doit être en concurrence directe avec le secteur privé, ma réponse est non. Les argents sont rares et vous savez à quel point il est nécessaire d’investir dans d’autres secteurs plutôt que d’investir dans ce que fait déjà le secteur privé. Si vous voulez de l’argent pour le secteur communautaire…
(nom inaudible) : avoir un formulaire sur CD ou un formulaire en ligne, c’est pareil…
Jean-Claude Guédon : c’est pour ça que je ne comprends pas…Ce que je suis en train de dire c’est que quand j’arrive à l’époque des impôts, je suis en train de m’organiser pour payer de l’argent au gouvernement, ce qui est normal. On paye le gouvernement pour qu’il puisse faire des choses, mais en plus, c’est tellement compliqué…c’est tellement con pour dire le mot qu’on est obligé d’aller voir des spécialistes là dessus. Je ne sais pas si c’est le rôle du gouvernement de complexifier son activité à un point tel que ça crée du commerce par-dessus. Je trouve ça assez fabuleux comme stratégie de développement économique. Rendons les choses aussi incompréhensibles que possible et il y aura des spécialistes pour essayer de les rendre compréhensibles et nous vendrons leurs services par-dessus ce que le gouvernement fait. C’est pas mal comme truc.
Animatrice : Merci. Est-ce que Monique tu veux réagir ?
Henri-François Gautrin : Voyons donc, Jean-Claude tu n’es pas sérieux.
Jean-Claude Guédon : Mais je suis parfaitement sérieux, je suis désolé.
Monique Chartrand : On n’est pas nécessairement obligé de s’aligner vers un logiciel mais je pense qu’on pourrait s’attendre à pouvoir faire nos rapports d’impôts en ligne sans avoir à débourser quelque coût que ce soit, surtout si on parle des populations défavorisées (inaudible)
Animatrice : Oui madame
(question inaudible)
Animatrice(reprend la question) : Donc on a parlé ce matin des personnes handicapées, de la réalité des personnes peu scolarisées. Est-ce que pour les personnes immigrantes ou récemment arrivées, il y a des préoccupations particulières ou une réflexion déjà faite ?
Henri-François Gautrin : Dans les quatre portails qui vont être mis sur pied, il y en a un pour les gens qui viennent de l’extérieur. Il y a un portail sur les citoyens, sur les entreprises, sur les jeunes et sur les gens qui arrivent au Québec. Ils seront mis sur pied d’ici quatre ou cinq ans.
Monique Chartrand : Je pense que c’est important de souligner que la réponse que nous avons souvent eue pour aider les nouveaux arrivants c’est de dire que les immigrants connaissent bien les nouvelles technologies…
Christian Vaillant : Je travaille pour un groupe d’alphabétisation populaire, le Centre de Lecture et d’Écriture. Je voulais vous remercier pour votre franchise de tout à l’heure quand vous avez dit que vous n’aviez pas pensé aux gens qui avaient des difficultés de lecture et d’écriture. Cela étant, lorsqu’on s’était vu à l’assemblée générale de Communautique [en janvier 2004] je vous avais parlé des réalités de ces personnes là et vous m’aviez dit que vous alliez en tenir compte. J’ai vraiment le sentiment, d’après ce que j’ai entendu, que dans les documents que vous nous avez présentés vous vouliez réécrire la fracture et j’ai vraiment l’impression que si vous ne tenez pas compte de la réalité de ces gens là; il ne faut pas oublier qu’au Québec, on a un million de personnes qui ont des difficultés de lecture et d’écriture et que la Commission scolaire fabrique entre 12 000 et 15 000 personnes qui sortent du secondaire avec des difficultés de lecture et d’écriture. Donc j’ai vraiment le sentiment que si vous ne tenez pas compte de la réalité de ces gens là, vous allez agrandir cette fracture déjà existante.
Henri-François Gautrin : Moi je vous renvoie la balle. Comment en tenir compte ?
Christian Vaillant : En donnant, peut-être des moyens (inaudible)
Henri-François Gautrin : Je ne voudrais pas rentrer dans les différents niveaux d’analphabétisation…à un niveau où on est en mesure de pouvoir lire et comprendre un texte. Est-ce que ceci pourrait être pris à l’intérieur du gouvernement en ligne ? Il y a une volonté certainement de simplifier les messages, c’est-à-dire de rendre les messages plus compréhensibles. Donc on a insisté pour que l’information gouvernementale soit diffusée, soit réécrite de manière beaucoup plus accessible. Mais le niveau d’accessibilité présuppose quand même d’être en mesure de lire et d’avoir un minimum d’alphabétisation. D’accord ? On se comprend là-dessus ? Descendre un cran en dessous, je ne sais pas comment faire à moins que vous me suggériez des choses.
Christian Vaillant : J’avais une question à vous poser…
Henri-François Gautrin : Allez-y…
Christian Vaillant : Parce que vous parliez de partenariat. Donc quelle était votre idée par rapport aux partenariats ?
Henri-François Gautrin : (inaudible)…qu’on démystifie ces technologies. Qu’on permette à la population de se les approprier. Mais évidemment, ça présuppose que les gens ont d’abord accès à la lecture, parce qu’évidemment, toute l’information est sous forme écrite. On peut utiliser des pictogrammes, le cas échéant, simplifier l’information mais tout ne peut pas être « pictographié ». Est-ce qu’il y a d’autres choses que l’on peut faire ? Je ne sais pas.
Christian Vaillant : Oui parce qu’il y a quelques années on a embarqué un certain nombre de groupes communautaires dans des centres d’accès communautaires à Internet, les CACI. Cette année on n’est pas financé pour ça. Peut-être que l’année prochaine il y aura quelque chose mais pour l’instant ce n’est pas prévu qu’on ait du financement pour ça. Actuellement, nous dans notre centre, nous avons une dizaine de machines et cette année, c’est nous qui allons supporter les coûts d’entretien et d’assistance aux personnes qui viennent nous voir. On n’est pas du tout soutenu par le gouvernement mais ce sera un moyen de tenir compte de la réalité de ces gens là.
Jean-Claude Guédon : Simplement une petite suggestion pour les sites gouvernementaux…si les gens ne savent pas lire, il n’est pas difficile d’installer des systèmes de synthèse vocale pour que les gens puissent comprendre le texte.
Henri-François Gautrin : Alors ça c’est faisable…c’est fait déjà.
Animatrice : Merci. Monsieur Cartier ?
Michel Cartier : Je reviens juste rapidement à la réflexion que je donnais concernant l’ergonomie cognitive. N’ayez pas peur de ce mot là, ça veut seulement dire créer des formes de communications plus visuelles et plus auditives. Je m’excuse Monsieur Gautrin mais il existe un peu partout, et ce depuis très longtemps, des méthodes de visualisation et d’organisation des interfaces… (inaudible)
Alain Ambrosi : Je repartirais du schéma de Michel Cartier. Il me semble qu’il manque une étape dans ce schéma. Dans le nuage en bas, il faut que les collectivités puissent s’organiser. Il y a des lieux de prise de parole et ça manque dans le schéma, c’est-à-dire donner les moyens à ces groupes là de s’organiser dans l’espace public démocratique avant de les faire rentrer dans le processus de prise de décision. Et c’est là qu’il y a une contradiction avec la générosité de M. Gautrin et la réalité des faits avec les coupures vécues par les groupes qui mettent en jeu leur survie même. Il y a des coupures dans le secteur communautaire alors comment garder tout ça quand le gouvernement actuel est dans le mode coupures ?
Par rapport à la protection des renseignements personnels, nous sommes devant un problème considérable. On sait que le gouvernement canadien a une loi sur l’accès légal qui permettrait de faire ce que le FBI a fait récemment en Angleterre. Un projet de loi circule depuis 2 ans et sera mis en place tranquillement puisque c’est lié à la convention contre la cybercriminalité européenne. Comment pensez-vous dans ce cas, avoir des mesures qui protègent les citoyens?
Michel Cartier : Où est la personne qui s’occupe des personnes analphabètes ? Et bien vous devriez demander 5 millions de plus au gouvernement. Vous (les groupes) vous faites le travail du gouvernement, 50% de vos salaires devraient provenir de Québec parce que vous faites un travail pour lequel le gouvernement devrait s’organiser. L’autre moitié d’entre vous, vous faites des activités montantes (listes, contenus) et vous devriez vous associer et monter aux barricades pour aller chercher 50% du travail que vous mettez là dedans. Si vous médiatisez du contenu comme association entre les citoyens et le gouvernement (de bas en haut), vous devriez être payés pour ça.
Henri-François Gautrin : Concernant la question des coupures, en effet c’est un problème. Pour la deuxième, je ne crois pas que la Loi sur la protection des renseignements personnels soit remise en question par le gouvernement fédéral.
Alain Ambrosi : Non mais c’est une tendance lourde
Henri-François Gautrin : Je peux vous dire qu’on est très vigilant et ce n’est pas l’intention du gouvernement du Québec de réviser la Loi.
Annie St-Pierre (OPHQ) : Plusieurs éléments me semblent manquants. L’OPHQ n’a pas été consultée dans la démarche, comme plusieurs groupes d’ailleurs. On se demande s’il y a des actions concrètes qui seront prises dans les semaines à venir pour que des consultations soient faites ? Et compte tenu que dans les recommandations, il est dit qu’il y aura la mise sur pied de comités de travail pour la mise en oeuvre du projet, y a-t-il des actions concrètes à venir pour intégrer les organismes provinciaux ou associations de personnes handicapées ou même l’OPHQ ?
Henri-François Gautrin : si jamais vous avez des demandes, je vous invite à nous les formuler. Concernant les personnes handicapées, des organismes ont été consultés.
Annie St-Pierre : Lesquels ?
Henri-François Gautrin : Le CAMO et d’autres groupes…
Annie St-Pierre : Est-ce qu’on peut espérer qu’il y ait une autre étape ? Si on a des avis à donner, est-ce qu’on va en tenir compte ?
Henri-François Gautrin : À l’heure actuelle, oui, tout à fait. Mais vous vous êtes de l’OPHQ ?
Annie St-Pierre : Oui tout à fait
Henri-François Gautrin : Est-ce que c’est dans votre mandat de faire ça ? En fait vous êtes un organisme gouvernemental qui donnez des services aux personnes handicapées et qui sont regroupés dans les associations non gouvernementales ?
Annie St-Pierre : Ça fait partie effectivement de notre rôle.
Animatrice : Ce que l’on entend c’est que ça devrait être entendu.
Henri-François Gautrin : Ce que je répète, c’est que nous devons travailler davantage avec les groupes communautaires ou les associations provinciales.
Annie St-Pierre : C’est que je constate que certains groupes provinciaux n’ont pas été consultés et dans le rapport, je sens un certain manque au niveau de certains types de handicaps. Je voulais seulement m’assurer qu’il y ait une représentativité des organismes provinciaux.
Richard Matte(Complice Communications) : Ma question s’adresse aux 4 intervenants. Je trouve qu’on met la table pour un beau projet. D’un côté on a le gouvernement qui veut démocratiser, qui veut rendre accessible le plus possible aux organismes communautaires et aux individus et les organismes communautaires et les individus disent oui, oui, on en veut. Par contre, avec les services en ligne, est-ce qu’on ne crée pas une nouvelle dépendance pour laquelle le gouvernement devra payer ? Ma question est peut-être une piste de solution. On constate qu’il y a environ 5000 groupes communautaires au Québec, chacun représentant des milliers d’individus ? Si on compare avec le portail des entreprises, du gouvernement du Québec, qui représentait 20 000 entreprises, si on regarde les organismes communautaires, les cellules informelles, les communautés ethniques…etc. Est-ce qu’il n’y a pas là un marché encore plus grand que par exemple, les entreprises au Québec ? Ce portail a été le premier mis en ligne, sans doute en raison de l’important volume d’affaire. Mais si l’objectif est de démocratiser le e-gouvernement, si on vise les individus, ne devrait-on pas prioriser le milieu communautaire parce que ca représente beaucoup plus de monde que les entreprises ?
Animatrice : Merci…Madame ?
Nicole Filion (COPHQ) : Je voulais signaler à Monsieur Gautrin que nous n’avons absolument pas été consultés sur la question des personnes handicapées. À ce sujet là, je voudrais préciser qu’il ne suffit pas de consulter mais il faut vérifier en cours de route la mise en place de moyens pour assurer l’accessibilité pour vraiment s’assurer en cours de route que cette accessibilité est effectivement accessible. Dans plusieurs projets où les personnes handicapées sont consultées, on se rend compte en cours d’élaboration du projet, l’accessibilité se perd. Il y avait aussi un autre élément de préoccupation qui m’amène ici aujourd’hui et c’est la démocratie en ligne. J’avoue qu’en partant, démocratie et en ligne, ça ne va pas ensemble. J’ai compris du schéma de Monsieur Cartier quelques éléments de ce que pourrait être la démocratie participative, par opposition à la représentative. Mais je n’ai toujours pas entendu quelque chose qui donnait des indications de comment ça ne pourrait pas être antinomique la démocratie et en ligne. Je comprenais que la démarche entreprise par Communautique…je rappelle le petit mot que ça « donnerait un gros « shake » à la démocratie » si effectivement on s’enlignait là-dessus. Ce que je vois de plus en plus, les consultations en ligne par le gouvernement, c’est ça que j’ai en tête quand je pense à démocratie en ligne. C’est tellement réducteur parce que d’abord on a le point de vue de l’État sur certains éléments d’une consultation, comme par exemple la consultation sur la politique de conciliation travail-famille qui s’est faite en ligne. On ne peut pas intervenir entre nous. Je ne comprends toujours pas comment on peut concevoir une démocratie en ligne où personne n’a donné des avis à ce sujet là.
Animatrice : Rapidement
Henri-François Gautrin : Au contraire, vous avez 3 niveaux dans la démocratie. Il y a la reddition de comptes, la consultation et le forum de débat entre les citoyens. Et ces trois choses sont basées essentiellement sur l’échange d’informations et l’échange de débats, l’intérêt d’un moyen d’échange d’informations.
Jean-Claude Guédon : Pas seulement…
Henri-François Gautrin : Mais non, pas seulement…mais c’est un moyen.
Animatrice : C’est un débat que Madame Filion a soulevé. On a parlé aussi du portail, pourquoi le choix du portail des entreprises et on n’a pas entendu les autres. Vous voulez vous prononcer ? Monsieur ?
Michel Cartier : Relativement simple…quand les groupes, les associations, ce que j’appelle le tissu n’est pas présent, actif et organisé, il n’y en aura pas.
Jean-Claude Guédon : Simplement ce que je voulais dire, c’est que bien sur que l’Internet est un moyen de diffuser de l’information, je l’ai dit dans ma présentation. Si on pouvait avoir vraiment des échanges importants, concret, entre députés, représentants du gouvernement et des communautés du public, de la société, on aurait une société ou chaque individu aurait beaucoup plus de chance de s’engager comme citoyen. Je pense avoir dit ça deux fois au moins.
Monique Chartrand : Nous on a salué le travail de Monsieur Gautrin comme une contribution importante. On appuie le gouvernement en ligne. C’est sur qu’on questionne énormément l’appui que Monsieur Gautrin a eu ou n’a pas eu dans les derniers mois par rapport à ce projet qui est un projet majeur de notre gouvernement en place. Dès qu’il est question de démocratie en ligne, pour nous c’est clair qu’il devrait y avoir un débat de société sur l’implication de ce qu’on entend par démocratie en ligne. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de personnes qui savent vraiment ce que ça signifie. On voudrait que la plateforme de décision et de discussion soit beaucoup plus large que le parti élu. Quand on parle de démocratie on parle de l’ensemble de la population. Alors c’est ce que nous voulions soulever aujourd’hui. Je ne pense pas qu’on ait des réponses mais ce serait important qu’un processus démocratique soit mis en place pour en débattre.
Animatrice : Je pense que ça pourrait faire partie des recommandations de fin de journée. Madame ?
Francine Thomas (Communication Québec) : Je suis associée de très près à plusieurs projets du gouvernement en ligne. Je voudrais vous dire Monsieur Cartier que peut-être le projet est médiocre et mal ficelé, c’est vrai qu’il y a des ficelles qui pendent mais je vous dirais, et Monsieur Gautrin vous l’a dit au début, on a choisi une stratégie de petits pas et j’espère que de petits pas en petits pas, on s’en va dans la bonne direction et moi c’est dans ce sens là que je travaille. Vous nous avez dit aussi, Monsieur Guédon, pseudo-démocratie, peut-être aussi. Mais je n’accepterai jamais de me faire dire que nous ne sommes pas à l’écoute. On est ici aujourd’hui, et je dis « on » parce que je ne suis pas la seule fonctionnaire dans la salle, c’est parce qu’on est à l’écoute. Les contenus qui sont développés à l’heure actuelle pour les portails pour les citoyens, c’est dans 10 jours qu’ils seront en ligne. Ce n’est plus un projet, c’est une réalité. Mais les contenus ont tous été réalisés parce qu’on est à l’écoute des citoyens. À Communication Québec on a des gens au téléphone depuis 30 ans, on les accueille à nos comptoirs depuis 30 ans, on a écouté ce que ces gens là cherchaient et on a tenté d’organiser l’information pour que les gens trouvent facilement l’information. J’ai travaillé de très près à la mise en ligne d’un tout petit formulaire transactionnel et pour ceux qui l’ont regardé, c’est tout simple à l’écran mais je prétends depuis longtemps que plus c’est simple à l’écran, plus c’est compliqué derrière et croyez-moi, cela a pris trois ans à mettre ça sur pied. Mais on travaille pour que ce soit simple, on travaille aussi (je voudrais rassurer Monsieur qui nous disait que les fonctionnaires ont un langage compliqué, oui, je le sais) mais je vous dirais que les techniciens chez nous qui font la mise en ligne de l’information ont tous été formés pour pouvoir écrire en français simplifié. Et croyez-moi, ce n’est pas facile de prendre le programme du ministère de la Justice et de l’expliquer en mots simples mais ça, on fait ça tous les jours. Donc les regroupements d’informations qui sont mis en ligne, les contenus qui sont travaillés, on le fait en écoutant ce que les gens nous disent et oui, je suis à la recherche de nouveaux moyens pour bien entendre les besoins de la population. J’ai été la première à dire non à des consultants qui nous avaient dressé une liste de 114 regroupements différents en disant, voici ce qu’il faut développer, on va commencer par tel et tel. Si je ne sais pas ce que les gens me demandent, je ne commencerai pas par tel ou tel.
Animatrice : Merci Madame, Monsieur ?
Jean-Claude Guédon : Une réponse très simple ou plutôt une suggestion très simple si vous me le permettez. La complexité des textes gouvernementaux dans tous les pays du monde est réelle et justement les citoyens ont du mal à faire des choix censés, rationnels, face à ces documents. Je vous suggère de jeter un coup d’oeil à un site américain qui s’appelle Creative Commons et qui parle du droit d’auteur. Il n’y a rien de plus complexe que le droit d’auteur et ses modalités. Ce site va vous montrer comment on peut régler un problème complexe de façon simple et pourrait donner un modèle je pense d’interaction avec les citoyens. Vous décidez, quand vous écrivez quelque chose, quel type de droit vous voulez transférer et ce que vous voulez ou ne voulez pas que les gens fassent avec votre création. Ensuite c’est automatiquement traduit en termes légaux. Des mécanismes comme ça, qui permettraient aux citoyens de s’y retrouver de pouvoir se guider dans le labyrinthe du gouvernement avec des moyens simples et qui en même temps immédiatement redonnerait le jargon comme vous le disiez à l’intérieur du gouvernement, qui parfois est nécessaire à cause de la tradition légale. Voilà un peu le genre de modèle que je verrais se développer.
Henri-François Gautrin : C’est exactement ce que l’on est en train de faire.
Animatrice : En espérant que ce que vous avez fait va se transporter au CV commun canadien et au FQRSC pour les demandes de subvention !
Jean-Claude Guédon : En attendant les 10 jours, de grâce allez voir Creative Commons.
Animatrice : Madame ?
Céline Desjardins : Bonjour. Je travaille avec Communautique et j’ai eu le plaisir de participer aux consultations de la Plateforme québécoise de l’Internet citoyen. Je connais Internet depuis 1987 et je rêvais de toutes sortes de possibilités sociales extraordinaires avec ce nouveau moyen là. J’ai été très désenchantée depuis. D’autre part, j’ai constaté à travers toutes sortes de mouvements altermondialistes, des listes de discussion sur Internet que oui, il y a un potentiel de démocratie participative véritable mais elle semble rester dans un milieu plutôt restreint. Et j’ai l’impression que pour les gens ici, tant du côté du gouvernement que des groupes communautaires, personne ne sait vraiment ce qu’est la démocratie en ligne, comment la faire. Tantôt les gens parlaient de formation à Internet. Jusqu’ici parmi les groupes communautaires présents, on parle de la formation de base, comment se servir d’une souris, d’un traitement de texte etc. Mais j’ai l’impression que pour faire ce dont on parle un peu tout le monde ce matin et chacun selon ses positions il y a lieu de penser une formation qui va au-delà de la « bébelle » et qui a trait en fait à la culture démocratique et donc j’ai l’impression qu’on est tous en train de tomber, comme Monsieur Guédon le disait, dans une culture de consommateur. Je me demande comment on peut penser une formation à l’utilisation citoyenne des nouvelles technologies ?
Animatrice : Très bonne question. On va y revenir particulièrement cet après-midi…Je ne sais pas si quelqu’un veut… c’est une trop grosse question. Monsieur ?
Jean-Claude Guédon : En 1998 je circulais au Québec en disant aux gens, vous savez, une façon de former les gens aux nouvelles technologies serait d’intégrer cette formation à leurs intérêts propres. Et j’avais suggéré qu’à travers les écoles, les bibliothèques, dans toutes les municipalités, on commence à créer l’Encyclopédie du Québec et en même temps former les gens à l’utilisation d’ordinateurs pour créer du contenu autour de ce thème et en même temps créer des foyers de discussion, de débat, et une sorte d’agitation sociale de bon aloi pour créer un engagement citoyen supérieur. Cette encyclopédie existe au Québec, elle s’appelle Wikipedia et elle marche très bien à l’échelle mondiale. On avait l’idée il y a huit ans mais personne n’a bougé et le gouvernement de l’époque est resté complètement inactif là dessus.
Katherine McNaugton-Osler (CDEACF) : Bonjour, mon nom est Katherine McNaugton-Osler, je suis responsable du groupe Femmes et Internet au CDEACF. Je suis préoccupée par les questions qui touchent les femmes et les groupes de femmes. Je pense qu’il n’y en a pas beaucoup ici aujourd’hui. J’ai une question pour Monsieur Gautrin. Ce qui nous préoccupe c’est l’accès à l’information pour les femmes d’une part, c’est aussi l’implication des femmes et des groupes de femmes dans la mise en place de la démocratie en ligne. J’aimerais savoir dans le cas du développement des grands portails du gouvernement du Québec, a t-on prévu un portail qui s’adresse aux femmes et sinon, pourquoi ? Et j’aimerais savoir s’il y a eu des consultations des groupes de femmes dans l’élaboration du rapport. Je ne l’ai pas encore tout lu mais je n’ai pas encore rencontré le mot « femme » une fois.
Henri-François Gautrin : Je vais essayer de vous répondre. Le rapport ne parle pas plus de femme que d’homme. Il n’y a pas de distinction à ce niveau là. Ce qui arrive actuellement, je vous invite à regarder le portail citoyen où l’information a été orientée en fonction des besoins des gens. Quand vous entrez sur le portail, vous vous identifiez en fonction de ce qui vous caractérise et ce que vous venez chercher.
Animatrice : Merci, Madame Yolande ?
Yolande Tourigny : Ce que je comprends c’est comment Communautique est parti des besoins des gens pour se mettre en ligne et comment le gouvernement est parti de ses besoins à lui de donner de l’information et non à partir des besoins des gens. Selon moi c’est deux choses différentes. Lorsque Communautique a dit ce matin, par la voix de Monique, que les gens à faible revenu ont de la difficulté à avoir accès à Internet, quand je vois le gouvernement présentement, il n’est pas beaucoup préoccupé par les pauvres ni par ceux qui s’appauvrissent. Alors comment va t-il pouvoir faire, dans son nouveau système, pour rendre les services en ligne accessible aux gens pauvres ?
Henri-François Gautrin : Au contraire, les porteurs gouvernementaux partent la structure d’intervention des besoins des individus et de la population. Ce n’est vraiment pas à partir des priorités des ministères…l’information est organisée à partir des besoins des individus, c’est vraiment la base même du projet. Ça été fait comme ça dans le cadre du portail des entreprises. Maintenant de dire que le gouvernement n’est pas préoccupé par les gens qui s’appauvrissent, je pense que c’est inexact.
Jean-Claude Guédon : Je voudrais seulement poser une petite question à Henri-François [Gautrin], c’est : qui détermine ces besoins ?
Henri-François Gautrin : Ça été fait, comme Madame Thomas l’a mentionné, par un certain nombre d’études, de focus groups, de consultations de la population organisées en fonction des réalités, des cycles de vie de chaque personne etc. Ça n’a pas été mené de façon arbitraire.
Animatrice : Monique ?
Monique Chartrand : Peut-être mentionner que Communautique est un projet de l’ICEA et de la Puce communautaire depuis 1995. Donc ça fait 10 que Communautique a pour mission de mettre les technologies au service des populations défavorisées grâce au concours de partenaires communautaires. Je pense que lorsqu’on veut vraiment que le gouvernement en ligne s’adresse à tout le monde, lorsqu’on veut vraiment cibler à qui les services devraient principalement aller, on questionne le fait que nous n’avons pas été interpellés d’aucune façon dans le développement du gouvernement en ligne à part de nous être un peu mis sur votre chemin. Mais au-delà de ça, aucun lien n’a été fait avec Communautique ou ses partenaires pour discuter de ces questions là. Donc oui la place du milieu communautaire, oui la volonté de lutter contre la pauvreté mais c’est contesté aujourd’hui.
Animatrice : Alors merci Monique, merci Monsieur Gautrin, merci Monsieur Guédon et Monsieur Cartier. La table est mise au sens propre et au sens figuré, on se retrouve donc dans une heure. Bon appétit messieurs dames.