Oui à l’accès Internet, mais : L’accès pour qui et pourquoi, l’accès à quoi et comment ?
L’Internet solidaire et l’Internet citoyen : de quoi parle-t-on au juste ?
Les TIC dans les groupes communautaires : une montagne de défis.
Communautique amorce une série de rencontres de réflexion à partir des résultats du rapport d’enquête sur l’appropriation de la télématique et l’intégration de l’informatique par les groupes communautaires. Trois lancements suivis d’ateliers de discussion pour débattre des résultats présentés et des enjeux actuels se tiendront à Montréal, Trois-Rivières et Québec à la fin mai. Pour organiser ces rencontres Communautique s’est associé à des partenaires : Écof à Trois-Rivières, la CDÉC de Québec et le Groupe conseil du Carrefour de Québec.
Une grande enquête avec toute une histoire
Trois ans s’étaient écoulés depuis la première étude des besoins menée par Communautique en 1996 auprès des groupes communautaires sur l’appropriation de la télématique. Au cours de ces trois années, Communautique a sillonné le Québec, a offert de la formation aux groupes, a organisé des forums de discussion, a contribué à développer l’espace communautaire francophone sur Internet, a mené des expériences pilotes d’accès à Internet au sein des groupes populaires et communautaires, a initié et familiarisé des citoyennes et citoyens par centaines à Internet.
Entre 1996 et 1999, l’appropriation de la télématique par les groupes communautaires du Québec s’est opérée à un rythme accéléré : des projets se sont déployés dans plusieurs réseaux; de nouveaux groupes communautaires sont nés avec pour mission spécifique l’appropriation sociale et démocratique des TIC; des regroupements provinciaux et de nombreux groupes de base ont investi les inforoutes. Les groupes se sont engagés, ils se sont formés, ils tentent d’intégrer Internet à leur travail quotidien, ils développent des projets, ils s’interrogent et réfléchissent sur la façon de lier ces nouveaux développements à leur mission et à leurs services tout en leur gardant une dimension humaine.
Le temps était donc venu de reprendre le pouls des groupes, d’évaluer le chemin parcouru et de tenter de cerner l’impact des projets de télématique communautaire. Communautique s’est donc lancé à nouveau dans cette aventure qu’est une enquête sur l’état de l’appropriation de la télématique et de l’intégration de l’informatique au quotidien. Nos ambitions de départ étaient relativement modestes : rejoindre quelques centaines de groupes de quelques-uns des nombreux secteurs qui composent le milieu communautaire. C’était sans compter avec les besoins des groupes , la réponse a été fulgurante : des dizaines de regroupements se sont investis dans la distribution du questionnaire et des centaines de groupes y ont répondu.
La diffusion des résultats
Il est temps maintenant de diffuser le plus largement possible les résultats de cette deuxième enquête, de les mettre en relief avec des éléments importants de la conjoncture. Nous comptons utiliser cette occasion pour faire ressortir les préoccupations des groupes communautaires face à cette nouvelle réalité qui s’impose, avec tous les possibles et tous les risques que comportent les TIC.
Nous espérons que ces activités contribueront à partager les expériences et identifier les conditions à mettre en place pour une intégration réussie des TIC.
À suivre
Développer l’accès : une volonté très largement partagée !
Un des éléments importants dégagé de l’enquête de Communautique concerne l’intérêt et la volonté, clairement exprimés par les répondants, de faciliter l’accès aux TIC aux populations auxquelles ils s’adressent.
Plus de 40% des répondants (41.3 %) affirment mettre leurs équipements à la disposition des personnes qui fréquentent l’organisme. Par ailleurs, 62 % des répondants indiquent qu’ils souhaitent développer un point d’accès public. Dans les régions du Saguenay / Lac St-Jean, de la Mauricie, du Bas St-Laurent et de l’Estrie, ce désir exprimé atteint entre 72 à 80 % des répondants.
Merci à Communautique pour m’avoir initié à Internet et à la navigation. Cela me permet de faciliter ma recherche d’employeurs et pourra être utile même une fois à l’emploi. C’est un outil de plus pour sortir du chômage et de l’Exclusion!
Un participant du quartier St-Jean Baptiste, Québec
Certaines questions que nous souhaitons soulever lors des ateliers de mai :
- Comment, l’appropriation des TIC peut-elle contribuer véritablement à la lutte à la pauvreté et à l’exclusion, au cœur de la mission des groupes ?
- Quels sont les enjeux pour les membres et les populations rejointes par les groupes ?
- Le développement de l’accès aux TIC peut-il contribuer au travail des groupes communautaires visant à favoriser l’exercice de la citoyenneté et la participation à la vie démocratique ? Pourquoi ? Comment ?
- En développant l’accès aux TIC dans les groupes communautaires, quel accès souhaite-on développer ? L’accès à quoi, pourquoi et l’accès comment ? L’accès est-il intégré aux pratiques et à l’action des groupes?
Développement de l’accès dans les groupes communautaires : De nombreux défis en vue !
Si l’enquête de Communautique identifie une volonté largement partagée de développer l’accès aux TIC dans les groupes communautaires, elle identifie également certains obstacles à ce développement :
- Un premier est celui des infrastructures souvent inadéquates : équipements informatiques, ligne téléphoniques, coûts de branchement. Bien que 94 % des groupes répondants possèdent un ou plusieurs ordinateurs, leur réalité informatique et télématique revêt plusieurs visages : certains ne disposent que d’un seul ordinateur partagé par plusieurs personnes (de 3 à 5 employéEs au sein de nombreux secteurs).
- D’autres difficultés rencontrées dans le développement de l’accès sont reliées aux transformations provoquées par l’introduction des TIC dans les groupes et aux besoins qui en découlent. Ainsi, de nombreux groupes soulignent, le manque de ressources financières, le manque de temps causé par la surabondance d’information à traiter, par l’augmentation constante des exigences de qualité, par les modifications profondes de l’organisation du travail engendrées par l’informatique et la télématique, par la nécessité accrue d’être en formation constante dans de multiples champs dont l’informatique et Internet.
Je ne savais rien de l’ordinateur. Le projet Communautique m’a apporté une joie et un réveil pour communiquer avec mes 2 enfants 1 à Montréal, l’autre à St-Hyacynthe,4 petits enfants, 3 à Montréal, l’autre à Rimouski (le Bic) de plus sur cela j’en ai 2 qui sont mal entendants. (mon fils et ma bru) par internet c’est le bonheur parfait. Va pour le courriel. Maintenant j’ajoute que je fais des recherches pour mon besoin personnel (zona, dégénérescence de la macula) mes 2 problèmes majeurs et souvent pour rendre service a quelqu’un. C’est une belle et intéressante distraction.
Une participante de 83 ANS
La fracture numérique : une autre fracture sociale
Des risques de fracture numérique parmi les groupes communautaires !
Les participants et participantes aux ateliers tenus lors de l’enquête, ont exprimé leurs craintes qu’un fossé se creuse entre eux et sépare les groupes biens nantis de ceux qui ne le sont pas. En effet, l’apparition de fissures importantes entre les différents secteurs d’intervention et entre les régions, comme les résultats de l’enquête le révèlent, indique que ces appréhensions pourraient s’avérer fondées.
Si l’on considère la quantité d’ordinateurs performants de dernière génération, les groupes répondants des secteurs « femmes, défense des droits et consommation » apparaissent moins bien nantis comparativement aux répondants des secteurs du « développement économique communautaire, de l’insertion professionnelle et de l’éducation ». Les répondants des régions de l’Abitibi-Témiscamingue et du Saguenay / Lac St-Jean semblent, quant à eux, moins bien pourvus que ceux des régions de Québec et de Montréal.
Une constellation de réalités informatiques et télématiques
Un autre difficulté majeur rencontrée par la majorité des groupes est de relever le défi de s’approprier des TIC en disposant d’équipement informatique et d’infrastructures de communication inadéquats. Bien que 94 % des groupes répondants possèdent un ou plusieurs ordinateurs, leur réalité informatique et télématique revêt plusieurs visages: certains ne disposent que d’un seul ordinateur partagé par plusieurs personnes (de 3 à 5 employéEs au sein de nombreux secteurs); chez d’autres, plusieurs modèles d’ordinateurs de toutes générations dotés de systèmes d’exploitation distincts cohabitent les uns avec les autres; ailleurs, les MacIntosh cohabitent avec des compatibles IBM; d’autres ont relié leurs ordinateurs en réseau local et découvrent la « culture réseau » avec ses impératifs; chez d’autres encore, un seul ordinateur est relié à Internet et l’on doit s’y rendre armé de patience et de disquettes pour effectuer ses recherches ou recevoir et envoyer du courrier électronique.
Ainsi, 55 % des répondants disposent de parcs informatiques mixtes composés soit d’ordinateurs de différentes générations ou soit d’une combinaison de IBM et de MacIntosh. De plus, 15 % des groupes participants ne possèdent qu’un seul ordinateur de type Pentium ce qui indiquerait une informatisation récente. Les secteurs « femmes, défense des droits et famille » sont davantage représentés dans ce sous-groupe. L’examen du parc informatique global révèle qu’un peu plus de la moitié des ordinateurs qui le composent sont des 286, 386, 486, Classic, LC, Quadra ou Power Mac. Par ailleurs, 47 % des répondants ne disposent que d’une ou deux lignes de téléphone. Dans ce contexte, l’intégration d’Internet ou le développement d’un point d’accès suppose des investissements pour l’ajout d’une ligne téléphonique ou son partage avec le télécopieur. Ces données illustrent les défis relevés par les groupes ainsi que les conditions diversifiées dans lesquelles se réalise l’intégration des technologies de l’information et de la communication.
Pour un Internet solidaire et citoyen!
L’intégration des TIC dans les groupes communautaires : Accélération du temps et stress organisationnel
Les groupes qui ont participé aux différents ateliers réalisés lors de l’enquête de Communautique ont largement abordé les thèmes de la vitesse et du temps. En effet, en cette ère dite des télécommunications, une réalité s’impose de plus en plus, soit que « tout va bien plus vite ». Les groupes communautaires n’échappent pas à cette réalité et estiment qu’ils sont eux aussi aspirés dans cette spirale incessante où le temps nécessaire à l’accomplissement des tâches à réaliser n’est plus disponible. Bien qu’ils soient généralement en mesure d’identifier différents facteurs également responsables de l’accélération de la vie et de leur rythme de travail, nombreux sont ceux et celles qui attribuent à l’informatique et à la télématique une responsabilité importante quant à la vitesse effrénée qui semble désormais s’imposer en standard de travail. Cette préoccupation ne date pas d’aujourd’hui. Les participants aux ateliers de «l’étude de 96» en faisaient déjà mention. Les intervenants et intervenantes des groupes sont aussi préoccupés par la surabondance d’information et sa fiabilité, par le manque de temps pour la réflexion et l’analyse, par l’augmentation constante des exigences de qualité, par les modifications profondes de l’organisation du travail engendrées par l’informatique et la télématique, par la nécessité accrue d’être en formation constante dans de multiples champs dont l’informatique et Internet.
Les groupes communautaires ou populaires sont soumis à plusieurs facteurs de stress dans la gestion des changements introduits par l’informatique et la télématique au sein de leur organisation : rareté des ressources financières, modifications de l’organisation du travail, gestion de l’information, planification du développement informatique, etc. La plupart des groupes ne se sentent pas en pleine maîtrise de leur développement informatique.
Il n’est donc pas surprenant de constater que, pour la majorité des groupes répondants, les trois principaux freins à une bonne intégration de l’informatique et de la télématique dans leur travail sont, dans l’ordre, le manque de ressources financières, le manque de temps et le manque de formation.