Deux défis d’une expérience d’émergence : leçons du cercle Mandalab
Comment nos organisations et nos initiatives d’innovation sociale naviguent-elles les zones d’émergence?
Mandalab est un laboratoire vivant citoyen de Montréal, porté par Communautique, pour l’incubation d’innovations sociales, technologiques et économiques. Homologué par le réseau European Network of Living Labs (ENoLL), il entend dynamiser le mouvement de transformation de la société québécoise en proposant de nouvelles structures, de nouveaux outils et de nouveaux modes de fonctionnement. Ancré dans des valeurs de participation citoyenne, de biens communs, d’organisation apprenante, d’entrepreneuriat collectif, de culture ouverte et de collaboration, Mandalab rassemble les intérêts et les projets de plusieurs personnes et organisations.
Mandalab entend fonctionner en adoptant une approche qui favorise l’émergence et une participation ouverte et large des citoyens. En toute cohérence, son développement doit se faire avec des processus qui sont ceux des laboratoires vivants. Mais comment mettre en œuvre cette intention?
Au printemps 2012, Mandalab a choisi d’utiliser le modèle de co-création des cercles Équipage pour soutenir les premières phases de son avancement. Une invitation a été lancée à des personnes et à des organisations intéressées à s’engager collectivement dans un premier cycle d’action et de réflexion de quatre mois. Une vingtaine de personnes ont répondu à l’appel et ont accepté de se rencontrer à six occasions pour faire avancer à la fois le projet collectif du Mandalab et leurs projets individuels.
Le déroulement : un cadre pour mieux explorer
Pour ce premier cycle du cercle Mandalab, six rencontres de trois heures et demie ont été prévues. Pour chaque rencontre, un « gardien de cercle » choisi parmi les participants a été responsable de s’assurer que le processus de cocréation reste centré sur les intentions, les apports de chacun et le projet collectif. Le travail de préparation préalable, menée avec le coach du cercle, a consisté dans la préparation d’activités utilisant comme base la récolte des rencontres précédentes, les échanges entre les participants et les désirs exprimés par le groupe. Ces activités (2 ou 3 par rencontre) ont été ensuite proposées au groupe lors du cercle.
Voici le sommaire des activités tenues lors des six rencontres:
1ere rencontre
– Appropriation de la description du Mandalab, de ses caractéristiques de laboratoire vivant, de ses valeurs et de ses services par des cliniques de citoyens experts;
– Exploration de projets individuels qui pourraient être en lien avec le Mandalab et leur pollinisation;
– Appropriation du fonctionnement du cercle Mandalab et positionnement individuel par rapport au processus proposé.
2e rencontre
– Partage et clarification des projets individuels et des intentions d’apprentissage;
– Expérience d’un appel au cercle;
– Exploration des contributions possibles au projet collectif, selon les diverses dimensions du projet Mandalab.
3e rencontre
– Exploration de l’identité du Mandalab par chaque participant et de l’intérêt du Mandalab à accueillir des personnes dont le niveau d’engagement est variable;
– Appels au groupe pour du feedback ou de l’entraide sur les projets individuels ou pour la contribution au projet collectif.
4e rencontre
– Appropriation du concept de « chaordique » comme cadre conceptuel pour le cercle et pour le Mandalab;
– Exploration du monde de possibles que pourrait contenir l’espace physique du Mandalab et le pollinisent;
– Offre d’aide et de soutien à ceux qui font un appel au cercle;
– Clarification par les participants de leurs objectifs et ce qu’ils désirent offrir au projet collectif.
5e rencontre
– Dialogue sur ce que le Mandalab peut apporter ou offrir à chaque participant et sur ce que chaque participant peut y apporter ou offrir au projet.
6e rencontre
– Appel à commentaires des participants;
– Explorations de la dimension « communication » du Mandalab.
Leçons et apprentissages
Au terme de ce premier cycle, les retombées positives sont nombreuses :
– Mise en place d’une culture, dynamique et d’un mode opérationnel pour le Mandalab;
– Clarification et partage des dimensions à développer pour le Mandalab;
– Clarification du concept de laboratoire vivant par l’expérimentation de la méthodologie et ouverture à un monde de possibilités offertes par la formule;
– Expérimentation avec un mode d’appartenance non-conventionnel – organisation à composition poreuse.
L’exercice a permis d’identifier plusieurs choses à améliorer – c’est la nature même d’un tel processus – etd’autres éléments à répéter. Voici quelques uns de ces éléments :
– Les activités d’ouverture sont essentielles pour créer un cadre favorable à l’émergence;
– La nature de l’espace et la générosité de l’accueil (musique, buffet splendide, divans) ont eu un impact sur le processus et la qualité de la rencontre;
– Il faut prendre soin du sentiment d’appartenance (valeurs communes) et de la reconnaissance;
– La culture du cercle prend du temps à s’installer – il faut un minimum de huit rencontres pour commencer à vivre et à tirer le plein potentiel de la dynamique du cercle;
– L’espace en ligne s’avère un outil fort utile pour le groupe;
– Les cadres conceptuels facilitent l’appropriation par les participants. Il est important de les partager tôt dans le processus et de manière plus visuelle (schéma);
– Les rencontres entre les membres du cercle sont des moments propices à l’avancement des projets individuels et collectifs;
– La dynamique particulière de l’individuel et du collectif prend du temps à être assimilé et comprise.
Défis relevés et apprentissages
En démarrant ce processus, nous avions devant nous deux grands défis :
1. Comment être à la fois efficace et fonctionnel dans un court laps de temps tout en conservant un espace de co-création ouvert et flexible nécessaire à l’exploration de pistes inédites et la cristallisation d’idées neuves?
2. Comment ouvrir à une participation à géométrie variable (niveau d’implication, disponibilité) tout en créant un sentiment d’appartenance et un engagement réel chez les participants?
Le maintien d’un tel espace d’émergence et d’expérimentation s’est concrétisé grâce à une prise en charge constante, mais en conservant une certaine fluidité dans la régulation du cercle :
– Les doutes et l’inconfort sont normaux et attendus. Il faut un ancrage solide pour « tenir l’espace du cercle » et rassurer que de l’autre côté de l’inconfort réside la richesse. Le cadre chaordique a été d’une grande utilité pour expliciter ce fait;
– Il faut (se) donner la permission d’exprimer les inconforts aussi bien que les idées à moitié formulées;
– Le temps est un facteur clé : parfois, il faut céder un espace pour des sujets qui préoccupent tout le groupe ou prendre le temps d’aborder des thématiques difficiles ou complexes.
– L’utilisation de quelques schémas clé (clarification de l’intention) aide grandement la progression des travaux. Par exemple, en rendant explicite les dix dimensions du projet Mandalab, les participants ont pu mieux cerner leur zone d’implication. Cela a été un élément clé de la réussite du processus.
Sur la question d’appartenance, il peut sembler presque naïf de penser qu’un groupe de personnes très différentes allait contribuer généreusement à un projet commun sur une aussi courte période de temps, sans aucune garantie de suite avec le projet. L’approche du cercle tire justement profit de cette diversité en permettant à chaque participant de pouvoir apprendre de la démarche. Il est ensuite possible de transférer les apprentissages (relations avec les autres, manière de penser et de mettre en action les projets) dans sa vie professionnelle et personnelle, tout en se servant de la variété des expériences et des pratiques pour alimenter la créativité. Le cercle permet aussi de profiter des apports ponctuels d’invités, qui viennent en quelque sorte polliniser le groupe. En somme, il y a une place pour tous!
Le cercle Mandalab débute un nouveau cycle en septembre 2012. Si vous êtes intéressés à participer, contactezMonique Chartrand, directrice générale de Communautique.
Commentaires des participants
« Le processus d’émergence est plus rapide ici à ce que je vois ailleurs. Donc, ça va apporter à plein d’autres projets. » – Geneviève
« Mandalab, printemps 2012. Un cercle d’une vingtaine de personnes. Le choix de conjuguer leur entrain et leur vouloir pour construire leur projet personnel et un projet commun. Le Mandalab est une forme collective d’engagement et de rencontres. Pour moi, c’est aussi une façon toute simple de s’offrir du changement et de bouger, c’est vivant ! » – Roch