Volume 5, numéro 1, Septembre 2002
Ce numéro du bulletin CommInfo présente une initiative majeure lancée par Communautique à l’hiver 2002, soit un projet de plateforme québécoise de l’Internet citoyen. Avec ce projet, Communautique souhaite faire progresser la reconnaissance des efforts déployés à travers la province. De nombreuses expériences démontrent en effet tout le potentiel des technologies de l’information et de la communication (TIC), tant pour la population en termes de création de solidarité et de participation à la vie sociale que pour les organismes participant au renforcement de la citoyenneté et à la lutte contre l’exclusion au moyen de l’usage des TIC.
Tous les organismes concernés par cet enjeu ont été invités à participer et à enrichir le projet qui, fort de ces appuis et de ces contributions, servira de levier à la reconnaissance de l’Internet citoyen au Québec et des acteurs au cœur de son développement. Deux rencontres ont été organisées, l’une à Québec (mai 2002) et l’autre à Montréal (juin 2002), afin de soumettre à la discussion l’avant-projet de plateforme préparé par Communautique. Ce projet suit donc un processus évolutif qui culminera particulièrement dans le cadre de la rencontre internationale GlobalCN 2002 prévue à Montréal en octobre prochain.
Sommaire:
- Un processus en évolution
- Une double démarche
- Les rencontres de mai et juin : un franc succès !
- Retombées des rencontres de Montréal et de Québec
- Synthèse des commentaires recueillis
- Une suite vivement attendue et déjà amorcée
Un processus en évolution
En mai 2001, Communautique réalisait une série de trois rencontres à Montréal, Québec et Trois-Rivières afin de diffuser et soumettre à la discussion les résultats d’une vaste enquête menée auprès de plus de 450 groupes communautaires à travers le Québec. Cette enquête visait à faire le point sur l’état de l’appropriation des TIC par les groupes communautaires. Les rencontres de mai 2001 ont permis à certains de découvrir de nouvelles expériences d’utilisation des TIC par le milieu communautaire ; d’autres ont pu faire part des difficultés rencontrées, des enjeux et des moyens à mettre en place pour faciliter le développement de nouvelles pratiques et d’une appropriation plus large des TIC . Les discussions s’étaient conclues, entre autres, sur l’importance de poursuivre la diffusion des utilisations novatrices des TIC par les groupes afin d’en démontrer toute l’originalité et la pertinence pour les populations rejointes par les groupes. L’idée de se doter d’une plateforme qui rassemblerait les principaux enjeux et les conditions nécessaires au développement de l’Internet citoyen, social ou communautaire au Québec a également été soulevée. Ces conclusions ont guidé Communautique et l’ont conduit à proposer un avant-projet de plateforme à ses membres lors de son assemblée générale en février 2002. En raison des objectifs qui l’inspirent, ce projet se veut rassembleur et mobilisateur. Il se situe dans la foulée d’un vaste mouvement qui mobilise la société civile à travers le monde afin que les TIC soient mises à contribution pour bâtir une « société du savoir » démocratique prenant appui sur une participation active de tous les citoyens et citoyennes, au Nord comme au Sud. Dans cette perspective, nous situons les enjeux démocratiques liés au déploiement de l’Internet citoyen au centre du développement économique et social de cette société qui sera marquée, nous le souhaitons, par la participation, la diversité, la solidarité et l’innovation sociale.
Nos objectifs :
Définir l’Internet citoyen, cerner les enjeux liés à son développement et les conditions qui lui sont nécessaires, répondre à la volonté exprimée par les groupes et faire progresser la reconnaissance des efforts déployés à travers le Québec afin de développer un Internet qui contribuera à renforcer l’exercice de la citoyenneté tout en contrant les risques d’exclusion liés à la fracture numérique.
Une double démarche
En parallèle à l’avant-projet de Plateforme québécoise de l’Internet citoyen, Communautique a réalisé une trentaine d’entrevues auprès d’organismes du Québec afin de rassembler des récits d’expériences novatrices d’utilisation des TIC à des fins citoyennes. Les résultats de cette double démarche ont été présentés lors des rencontres du printemps 2002 à Québec et à Montréal.
Le monde communautaire et Internet : tout un monde d’innovations!
La présentation du projet de Plateforme québécoise de l’Internet citoyen s’est accompagnée de la diffusion des résultats d’une recherche menée par Communautique afin de promouvoir l’originalité, la créativité, l’ampleur et la qualité des réalisations des organismes du Québec. Mentionnons que, parmi ces réalisations, nombreuses sont celles qui résultent de collaborations entre organisations d’une même région, de tout le Québec ou encore, de divers pays. Branchés sur leur milieu, sur les besoins des gens les plus marginalisés et s’appuyant sur une expertise acquise au fil du temps en éducation populaire et en action communautaire, les groupes ont trouvé mille et une façons d’intégrer les TIC à leurs pratiques. Ces expériences ont été rassemblées dans un recueil de récits lancé officiellement le 6 juin dernier.
Les rencontres de mai et juin : un franc succès !
L’objectif des rencontres consistait à soumettre à la discussion le projet de Plateforme québécoise de l’Internet citoyen afin de recueillir les commentaires et suggestions d’ajouts au texte préliminaire. Ces rencontres devaient également servir à évaluer le degré d’intérêt des organismes participants à poursuivre la démarche initiée par Communautique dans leurs propres réseaux. Soulignons que les participantes et participants aux rencontres de Montréal et de Québec étaient fort différents les uns des autres du point de vue de leur niveau d’appropriation des enjeux et des préoccupations reliés aux TIC. En tout, quatre-vingt personnes représentant plus de cinquante organismes oeuvrant dans plusieurs secteurs d’intervention ont pris part aux discussions. Nous y avons rencontré des gens œuvrant, entre autres, en alphabétisation, en éducation populaire, en développement local et régional, en environnement, auprès des jeunes, des familles, des personnes handicapées, des personnes itinérantes, des femmes et des personnes âgées et ce, dans plusieurs régions du Québec. Étaient également présents des centres communautaires et de loisirs. Enfin, mentionnons la forte participation à Montréal des médias communautaires.
Certains venaient se sensibiliser, s’informer et prendre contact avec ces questions. D’autres, davantage dans la pratique ou bénévoles dans des centres d’accès communautaires, venaient surtout pour échanger sur leurs besoins et leur situation. D’autres, davantage militants, souhaitaient une approche plus politique notamment en ce qui a trait à la question du logiciel libre ou de l’arrimage avec d’autres plateformes internationales. D’autres encore la souhaitent inclusive de toutes les couches de la population. Certains étaient particulièrement préoccupés par les moyens à mettre en place. D’autres trouvaient le projet très adéquat dans sa forme actuelle. Les prochaines actions de Communautique et les suites envisagées dans le cadre de la Plateforme québécoise devront ainsi tenir compte de cette modulation très diversifiée dans les niveaux d’appropriation des enjeux et des TIC ainsi que de ce large éventail de points de vue.
Ainsi, les personnes présentes ont pu s’exprimer, en ateliers et en plénières, sur l’angle proposé par Communautique relativement au développement de l’Internet citoyen au Québec à travers la présentation de certaines données illustrant la fracture numérique. L’impact des interventions publiques des gouvernements provincial et fédéral, le rôle du milieu communautaire face à l’Internet citoyen et les conditions nécessaires à son développement ont également fait partie des thématiques abordées en vue d’animer les discussions.
Retombées des rencontres de Montréal et de Québec
L’initiative prise par Communautique de proposer cette plateforme québécoise de l’Internet citoyen a été appréciée. Communautique se voit ainsi reconnu par ses pairs, et ce, également comme porteur des préoccupations relatives aux politiques publiques auprès des instances gouvernementales.
Une majorité de participantes et participants des groupes semblaient prêts à épouser et appuyer d’emblée cette proposition de plateforme. Mentionnons l’intérêt de mettre sur pied une table de concertation régionale sur les nouvelles technologies qui s’est manifesté à Québec. Un organisme en alphabétisation de la région a également formulé le souhait de créer un comité sur l’accès local.
Synthèse des commentaires recueillis
La « fracture numérique » et ses enjeux pour le développement de l’Internet citoyen
À partir d’enquêtes publiées en décembre 2001 et en janvier 2002 par l’Institut de la statistique du Québec et le CEFRIO, les participantes et participants ont pris connaissance de certaines données illustrant le développement très inégal de l’accès aux TIC. Les populations les moins branchées sont, plus que jamais, celles à faibles revenus, les moins scolarisées et les plus âgées. Les données présentées illustraient également les écarts persistants entre hommes et femmes.
Principaux commentaires :
- Importance de placer l’accessibilité des TIC pour les personnes handicapées comme un enjeu majeur.
- Retenir les écarts entre les milieux ruraux et urbains dans la définition de l’exclusion aux TIC.
- Inclure des données sur l’accès des groupes communautaires aux TIC afin de mettre en évidence les défis quotidiens rencontrés par les groupes.
- Certains sont préoccupés par l’augmentation des contenus payants sur Internet, ce qui marginalise davantage les personnes démunies.
Les embûches au développement de l’Internet citoyen
Parmi les obstacles identifiés dans le projet de Plateforme figurent le manque d’équipements, de formation et de ressources techniques. On met aussi en évidence les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre d’une véritable appropriation sociale des TIC par l’accès et le développement de contenus répondant aux besoins de la population et des organismes.
Principaux commentaires :
- Les problématiques particulières aux organismes et aux différentes populations démontrent toute l’importance de poursuivre le travail d’identification des besoins en matière d’accessibilité des nouvelles technologies pour les personnes démunies. C’est à cette condition qu’Internet peut constituer un véritable outil au service des groupes et des populations qu’ils rejoignent.
- Plusieurs sont sensibles à l’importance des réseaux d’échange et d’entraide lors de l’implantation de projets d’intégration des TIC à l’action des organismes. Certains souhaitent voir l’arrimage de projets de même nature.
- Certains attribuent à l’alternative du logiciel libre une part importante des solutions possibles aux embûches rencontrées par le développement de l’Internet citoyen. D’autres sont davantage préoccupés par la rareté actuelle des ressources techniques dans ce domaine.
- On relève les difficultés de développement à long terme lorsque les projets visant l’appropriation sociale et communautaire des TIC se heurtent aux impératifs de rentabilité uniquement économique.
L’Internet citoyen : les conditions nécessaires à son développement
Afin d’inscrire aux agendas politiques la notion d’Internet citoyen et les conditions nécessaires à son développement, il importe de s’entendre sur les principaux éléments qui le définissent pour s’assurer de saisir cet enjeu dans toute sa globalité. Les participantes et participants sont appelés à se prononcer sur une définition de l’Internet citoyen et des enjeux politiques, économiques et sociaux à y associer.
Principaux commentaires :
- Tenir compte des différents aspects liés à l’accessibilité mais aussi à ceux relatifs à la production de contenus. Faire du développement de l’Internet citoyen un enjeu fondamental pour l’expression citoyenne à la base de toute société démocratique.
- L’accès universel aux TIC est à reconnaître comme droit. Le droit à l’information, à une information de qualité, alternative, plurielle et diversifiée doit être accentué.
- L’accès aux TIC est reconnu par tous les participantes et participants comme levier pour l’inclusion sociale et pour la défense des droits.
Le rôle des organismes dans le développement de l’Internet citoyen
Les organismes communautaires et les entreprises d’économie sociale développent des façons originales et diversifiées de faciliter l’accès aux populations exclues. Ce sont des milieux où l’on retrouve des ressources collectives d’apprentissage, de participation, de création et d’expression ; des milieux où l’on retrouve des approches adaptées aux besoins et aux réalités des populations les moins nanties.
Principaux commentaires :
- Les groupes communautaires sont des lieux près de la population et constitue un milieu social déjà constitué pour les activités d’éducation destinées à la population. Les aspects démocratiques associés à la citoyenneté font aussi partie des projets d’éducation populaire portés par les groupes. Pour ces raisons, il faut mettre en évidence tout le potentiel lié à l’ancrage social et démocratique du milieu communautaire en faveur du développement de l’Internet citoyen.
- Certains souhaitent également ajouter au rôle du milieu communautaire la valorisation du logiciel libre.
Les interventions gouvernementales
Des interventions des gouvernements provincial et fédéral ont été présentées aux personnes prenant part aux discussions. Il s’agit notamment, du côté provincial, des initiatives liées au Fonds de l’autoroute de l’information et celle du programme Brancher les famille”. On pense également à la campagne fédérale pour Un Canada branché, qui a donné jour au programme VolNet, au Programme d’accès communautaire et à certains projets soutenus par le Bureau des technologies d’apprentissage. Parallèlement aux initiatives gouvernementales en faveur de la population et du milieu communautaire, on assiste aussi à des investissements massifs destinés au développement des inforoutes gouvernementales fédérale et provinciale.
Principaux commentaires :
- Le développement en faveur de l’Internet citoyen est actuellement supporté individuellement, par les groupes, quand il devrait être supporté socialement par des mesures gouvernementales concrètes assurant la durabilité des projets initiés.
- Les politiques ont davantage des visées à court terme alors qu’elles devraient viser le moyen terme en tenant compte de tous les facteurs de réussite : soutien technique, support humain, formation continue, etc.
- Mettre en valeur le potentiel de recherche et d’innovation inhérent au milieu communautaire afin que ces secteurs d’activité soient reconnus et financés par les gouvernements.
- On souhaite que le « bilan social » des développements technologiques dans le milieu communautaire soit reconnu par les bailleurs de fonds ; que ceux-ci adaptent leurs critères de rentabilité en fonction de cet aspect.
Des pistes d’action identifiées
- L’appropriation et la diffusion de la Plateforme à l’échelle du Québec et l’examen des possibilités d’arrimage avec d’autres plateformes existantes.
- Créer un comité pour valider la nouvelle version de la Plateforme revisitée à la lumière des échanges tenus à Québec et à Montréal.
- Création d’une liste de discussion pour informer de l’avancée des travaux.
Une suite vivement attendue et déjà amorcée
Fort de ces résultats, Communautique a rapidement mis sur pied un comité de travail ayant pour mandat de valider la nouvelle version de la Plateforme préparée à la lumière des commentaires recueillis à Montréal et à Québec. Une liste de diffusion a également été créée afin de faciliter les actions futures. Enfin, la mise en œuvre d’un plan de communication servira d’appui à l’organisation des événements auxquels participera Communautique dans le cadre de GlobalCN 2002 l’automne prochain. À ce propos, Communautique entamera sous peu une vaste campagne afin de recueillir le maximum d’appuis à la Plateforme québécoise de l’Internet citoyen. Surveillez le site de Communautique pour connaître les plus récents développements!
D’ici là, vous retrouverez plusieurs documents qui ont été rédigés tout au long de la démarche de Communautique. Entre autres, à partir des récits d’expériences et du projet de Plateforme québécoise de l’Internet citoyen, Communautique a publié au mois de mai dernier une série d’articles dans le Tour d’y Voir visant à diffuser certaines utilisations des TIC par les organismes interviewés et à informer un maximum d’intervenantes et d’intervenants du milieu des enjeux entourant la tenue des deux rencontres. Certains de ces textes, dont celui de l’avant-projet de plateforme, ainsi que des articles rédigés par l’équipe du Tour d’y Voir ont été déposés sur le site de Communautique afin d’alimenter les réflexions des gens intéressés par notre démarche.
Nous vous invitons également à surveiller nos sections se rapportant au développement de l’Internet citoyen. Vous y trouverez notamment des liens menant vers certaines plateformes internationales et des organismes sensibles à la démocratisation et à l’appropriation sociale des TIC à des fins citoyennes. À suivre au cours des prochaines semaines : la diffusion d’analyses et de données sur la fracture numérique ainsi que la nouvelle version de la Plateforme québécoise de l’Internet citoyen.
Projet : Vers une plateforme québécoise de l’Internet citoyen
L’avant-projet de plateforme, mai 2002
Avant-goût des récits d’expérience
Le monde communautaire et Internet : Tout un monde d’innovations!
Tout un monde de nouvelles pratiques !
L’appropriation des TIC dans une perspective collective
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) : une approche globale
Les logiciels libres : un choix politique
Internet au service d’un monde plus juste et solidaire
Les personnes intéressées à signer la Plateforme, à obtenir de plus amples informations ou commander le recueil des récits d’expériences Le monde communautaire et Internet : tout un monde d’innovations! peuvent le faire en s’adressant à :
Vous pouvez également signer la plateforme directement en ligne.
Rédaction et mise en page : Julie Gauthier
Coordination : Francine Pelletier
Révision : Francine Pelletier et Mari-Sol Rioux-Hébert